"Ils orchestrent le ballet des avions à Roissy"
Ci dessous un article de Carole Sterlé paru dans Le Parisien du 25 août 2007
"Le Retour de vacances ne se fait pas uniquement sentir sur le plancher des vaches. Bison Futé aurait fort à faire s'il s'intéressait aussi au trafic aérien. A l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, cette fin du mois d'août voit fleurir dans les cieux davantage d'avions.
La moyenne journalière des vols atteint les records de l'année, puisque fin août et début septembre, 1 700 avions atterrissent ou décollent de Roissy chaque jour, contre 1 600 environ au plus fort du reste de l'année. Pour éviter les embouteillages, les contrôleurs de l'aviation civile régulent la circulation depuis leur tour de contrôle.
Perchés à 70 m du sol, dans l'une des cinq tours de contrôle de
Roissy, la tour Nord étant dédiée au terminal 2, ils ont une vue
panoramique imprenable sur l'aéroport, sur Le Bourget et même sur Paris, lorsque le ciel est dégagé. Pas comme hier matin. «
A 8 heures, on était dans les nuages, on ne voyait pas les pistes »,
explique Yoann, l'un des plus anciens de cette équipe d'une dizaine de
jeunes contrôleurs qui ont alors dû faire confiance à leurs écrans de
contrôle. Le brouillard, la neige, les orages : les trois ennemis
climatiques du contrôle aérien.
Le look de ces contrôleurs est à l'image de l'ambiance : calme et
détendu. Mais qu'on ne s'y trompe pas : ces jeunes gens en jeans et
sweat-shirt qu'on pourrait croiser dans une soirée étudiante ne sont
pas là pour faire la fête. En période de pointe, comme hier matin à 11
heures, ils gèrent jusqu'à 120 vols par heure. Les Airbus et autres
aéronefs, siglés principalement Air France au terminal 2, se succèdent.
La « vigie trafic », à l'étage inférieur, a déjà organisé les
déplacements sur le parking, pour pouvoir donner le feu vert aux
décollages.
« Décollage autorisé ! » lance Delphine à la fin d'une phrase
incompréhensible depuis son casque micro à un pilote qui rejoindra
Caracas (Venezuela). En heure de pointe, un contrôleur surveille en
moyenne dix avions en même temps. L'avion s'engage sur l'une des quatre
pistes que compte l'aéroport. « Vent de face toujours », précise Yoann.
Via son signal radar, l'avion est suivi sur l'écran. D'autres tours de
contrôle prendront le relais une fois qu'il aura dépassé les 2 000 m.
Un maillage de plusieurs tours permet de garder le contact avec les
avions durant toute la durée de vol.
L'alerte retentit. « Un problème informatique », rassure Marie.
Pas de panique, l'alerte s'éteint. Les véritables motifs d'inquiétude
sont rarissimes, mais restent ancrés dans les mémoires. Un incendie
dans le cockpit d'un avion de fret (les pilotes sont sortis sains et
saufs) ; un commandant de bord qui fait une sortie de piste et embourbe
son avion, obligeant les passagers à sortir par le toboggan ; un avion
foudroyé obligé d'atterrir quelques minutes seulement après son
décollage pour faire vérifier son système électronique, ou encore une
crise cardiaque sur un vol Toulouse-Londres provoquant une arrivée
forcée à Roissy. « Dans ce cas, on s'arrange pour faire atterrir
l'avion en urgence avant les autres », précise un contrôleur. Dans les
airs aussi, il existe des salles d'attente.
Avec ses jumelles, un contrôleur aperçoit un 4 x 4 qui fonce sur les pistes, gyrophare en marche. « C'est le LA 19, explique ce contrôleur, il chasse les animaux avec un haut-parleur ou des fusées, pour éviter qu'ils ne soient aspirés par les réacteurs. » Oiseaux, renards et même sangliers... Dans cet univers de modernité, la faune existe aussi et un ornithologue veille à la survie de Dame nature. Ces imprévus suscitent parfois des retards et l'agacement des passagers, pressés de décoller ou d'atterrir enfin. « On adaptera toujours le trafic à ce qu'on peut gérer, insiste Jean-Renaud Gely, chef du contrôle à Roissy et au Bourget. Si l'attente est prévisible, on fait patienter au sol, sinon, on fait patienter dans les airs. » Parfois, mieux vaut attendre."